mardi 6 janvier 2015

Séminaire de recherche: "La fabrique de la ville à l’ère du numérique : formes et expériences de l’urbain"

Afin de nourrir le troisième programme de recherche de l'Ensci/Les Ateliers consacré à la "Fabrication numérique: Techniques, éthique, esthétiques", Catherine Saracco, Directrice de la recherche & l'international ainsi que Jeanne Quéheillard, théoricienne du design et enseignante-chercheuse à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Bordeaux conduiront au printemps 2015 un séminaire de recherche consacré à "la fabrique de la ville à l’ère du numérique : formes et expériences de l’urbain".


Ce séminaire réunira les intervenants suivants: Beatrice Mariolle, Laboratoire IPRAU, Ecole d’architecture Paris-Belleville ; Claire Petetin, Architecte, Laboratoire LéaV, Ecole Nationale Supérieure d’architecture de Versailles ; Jean Francois Dingjian, Designer, Ensci/les Ateliers ; Justina Swat, Wikihouse ; Alain Renk (UFO/agence d’architecture R+P) : projets Villes sans limites ; Ekim Tan, Fondatrice de Play the City, TU Delft ; Nicolas Magret, artiste ; Rand Hindi, Fondateur de Snips; Arnaud  Banos, ancien directeur de l’Institut des Systèmes complexes de Paris, urbaniste, directeur de recherche CNRS.

1. Objectifs de l’enseignement

 - familiariser les étudiants à une démarche réflexive
 - développer une pensée réticulaire
 - construire des propositions originales de recherche en design

2. Problématique 
La révolution numérique a durablement impacté la production architecturale et le design. Les nouvelles technologies ont permis l’hybridation des approches et des styles, généré des pratiques inédites d’architecture interactive et modifié en profondeur l’activité conceptuelle des architectes et designers. Parallèlement, la montée en puissance de l’innovation ouverte a favorisé des démarches collaboratives d’intervention sur la ville qui questionnent le sens et les finalités des projets urbains. 
Le spectre des transformations est large et la « ville numérique » cristallise, à l’évidence, de nombreux discours et écoles de pensées. En partant des théories développées par des designers, architectes, sociologues et philosophes, ce séminaire a pour objectif de tirer au clair certaines prises de position afin de mieux évaluer les promesses mais aussi les limites de la culture numérique dans le champ du design et de l’architecture. Que sont devenues les visions de l’Architecture Radicale qui, face à la crise de la modernité rationaliste, dissolvaient la ville, l’architecture et le monde des objets dans les réseaux de communication et de marchandises ? Les concepts plus récents de ville générique et de Junkspaces de Rem Koolhaas sont-ils suffisants pour analyser les derniers développements de la ville contemporaine ? Que deviennent les imaginaires d’une open-city face aux problématiques de cloisonnement et de remaillage urbain (gated communities, edge city, urban sprawl) ? De quelles manières les pratiques d’architecture open-source réinterrogent-elles les modalités de l’implication citoyenne ? Un travail rétrospectif sur les conceptions de la ville depuis la modernité jusqu’aux constructions critiques de l’architecture radicale et du postmodernisme nous permettra de clarifier les visions de la ville afin de mieux appréhender les mutations contemporaines sur le devenir urbain.

Dans un second temps, nous verrons de quelles manières les outils de conception paramétrique affectent les processus de conception du projet architectural et urbain et marquent l’évolution vers une architecture de plus en plus modulable, éphémère et flexible. Dans ce contexte, la convergence qui s’amorce entre l’impression 3D, la robotique et les sciences du vivant sera l’occasion d’ interroger les nouveaux contours et usages de la ville du futur. Quelles nouvelles approches de la matérialité laissent augurer les « living cities » du futur ? De quelles manières cette nouvelle condition urbaine transforme-t-elle notre relation cognitive et sensible ? La ville du futur est-elle celle des opportunités inimaginables ?

3. Déroulement 
Ce séminaire est conjoint à l’ENSCI/Les Ateliers et à l’Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux.
Il s’organise autour de 4 sessions d’une journée sur un semestre et est crédité d’ECTS (30 H).

-       Session 1 : Retour sur la modernité
-       Session 2 : De l’architecture radicale à la ville générique
-       Session 3 : Présentation de projets
-       Session 4 : « Living cities » : la ville entre informatique et technologies du vivant

Les journées sont construites autour de 3 temps forts :

-       Exposés d’étudiants et mise en débat (3h)
-       Invitation d’un intervenant avec présentation de projets, interview et discussion (2h)
-       Intervention d’un designer de l’Ensci sur la problématique de la journée et ouverture à d’autres questionnements (2h)

4. Détails des sessions

a. Retour sur la modernité

Avec la révolution numérique, les attributs hypermodernes de la ville riment dorénavant avec complexité, flux, informations et réseaux.
Dans un contexte de ville diffuse dominée par l’instabilité, les phénomènes de polycentralité et de superposition des espaces et des temporalités, comment les démarches de conception urbaine évoluent-elles ? Les principes d’une architecture moderne comme intention et détermination sont-ils encore opératoires ou l’architecture devient-elle précaire, liquide et éphémère? Qu’advient-il des attributs constitutifs de la ville européenne (centralité, histoire, contexte, identité..) et des modèles universalisants de planification urbaine chers à Gropius ou à Le Corbusier ? Comment la généralisation des outils numériques impacte-t-elle l’activité conceptuelle des architectes et vient « retravailler » certains principes modernes comme « forme suit fonction » (Sullivan)?

Enfin, lorsqu’on parle de culture numérique, on y associe également l’émergence d’une architecture spectacle centrée sur l’objet et le produit. Prenant le contre-pied de ce phénomène, des nouvelles pratiques du "faire-ensemble" voient le jour (Francis Kéré ; Wang Shu) et plaident pour une "architecture du milieu" en instaurant un dialogue entre nouvelles technologies et spécificités culturelles. Que nous disent ces pratiques collaboratives sur la tension entre universalité/singularité et sur les vertus de l’hybridation, de l’échange et de la transmission ?

Propositions d'exposés :
1. Qu’en est-il  de « la  forme suit fonction » ?  La valeur du contexte et de la forme à l’heure de l’hyperville.
2. La ville : un mythe moderne ? De Gropius au Corbusier.
3.  Les contre-exemples de l’architecture-produit : les initiatives de Francis Kéré et Wang Shu.


b. De l’architecture radicale à la ville générique

La standardisation des espaces, la reproduction indifférenciée des mêmes expériences en tout lieu sont souvent évoquées comme le trait principal des métropoles contemporaines. L’ascenseur, la climatisation, le faux plafond ont façonné un espace urbain hors contexte qui, à l’heure actuelle,  est fortement sujet à  caution. Aujourd’hui, l’intégration des nouvelles technologies remet en question l’idée même de ville générique pour aller vers des formes singulières, des constructions hétérogènes, et la multiplication des signes.
Souvent portées par un engagement politique, les pratiques open source se multiplient avec pour ambition de remettre la conception urbaine dans les mains de l’usager. Peut-on construire une filiation entre ces pratiques collaboratives et les utopies des années 60 liées à l’autoplanification et à la créativité sociale ?.

Par ailleurs, à l’heure ou les réseaux numériques sont un outil de connaissance de la ville, doit-on considérer que le cyberespace dédouble et enrichit les espaces urbains ou assiste-t-on à un découplage entre la physicalité figée de la ville d’une part, et la dématérialisation des flux informationnels, d’autre part. Quelle capacité réelle avons-nous à « habiter » l’infrastructure et les réseaux de communication ? Quel type de nouveau rapport au cadre bâti, les pratiques interactives en architecture construisent-elles ? Vers quelle appropriation de la ville nous conduit le cyberespace ? Quels sont les outils et modèles d’action des « designer urbain » dans les processus de création ?

Propositions d'exposés :
1.  L’open city : l’urbanisme collaboratif en question.
2. Superstudio et Archizoom : des utopies perdues ?
3. Les nouveaux champs d’intervention des architectes et designer urbain.



c. « Living cities » : la ville entre informatique et technologies du vivant

La ville se fabrique aujourd’hui à partir de programmes et de projections où les données tiennent une place essentielle.
En tant qu’outils de management des services urbains (gestion des consommations énergétiques; déplacements ; recyclage des déchets ; services de géolocalisation..), les données soulèvent des espoirs dans une régulation plus efficace et plus écologique du métabolisme urbain. A quel modèle de ville nous renvoie cette approche néo-cybernétique?. Quels imaginaires se développent à partir d’une ville pilotée comme un système ?.

Par ailleurs, le big data est en train de renouveler les méthodes de planification urbaine et de conception architecturale. En intervenant en amont de la conception, les données permettent des échelles de complexité inédites et enrichissent les niveaux de lecture du territoire. En architecture, les outils paramétriques font apparaître une multitude d’usages pour davantage de modularité et de flexibilité selon les besoins et stimuli du monde extérieur. De quelle manière la conception paramétrique transforme-t-elle les formes et les innovations d’usage dans la ville ? Quel type d’expériences fait-elle émerger en intégrant des paramètres environnementaux (climat, lumière, pollution..) ?

Enfin, la maîtrise des technologies du vivant reconfigure les matérialités urbaines.  Le vivant s’invite dans la fabrication de l’architecture avec des matériaux et des systèmes toujours plus interactifs. Nous assistons à une nouvelle appréhension des formes qui ne relèvent plus exclusivement d’une composition esthétique mais qui incorporent des nanobiotechnologies et les dernières recherches sur les matériaux émergents. Quelles atmosphères urbaines font-elles émerger ? Dans le contexte d’une porosité accrue entre un dehors et un dedans, comment l’individu et la place du corps se réinventent-ils ?

Propositions d'exposés
1. Data et militarisation de l’espace public
2. Prouesses et limites de l’architecture paramétrique
3. Technologies du vivant et nouveaux imaginaires pour la ville.
      

5. Bibliographie 

1er session : Retour sur la modernité

- Choay, Francoise, L’urbanisme, utopies et réalités, le Seuil, 1965
- Gropius Walter, Architecture et société, Editions Du Linteau, 1995
- Sullivan, Louis, Forms follows function, Editions B2, 2011
- Branzi, Andrea, No-stop City, 1967, édition Hyx, 2006
- Branzi, Andrea, Nouvelles de la métropole froide : design et seconde modernité, Paris, Editions du Centre Pompidou, 1992
- Rowe Colin, Koetter Fred, Collage City, Centre Georges Pompidou, 1993
- Réenchanter le monde : l’architecture et la ville face aux grandes transitions, catalogue d’exposition sous la direction de Marie-hélène Contal, Collection Manifesto, 2014

2 session : De l’architecture radicale à la ville générique

- Koolhaas, Rem, Junkspace : repenser radicalement l’espace urbain, Edition Payot et Rivages, 2011
- Architectures non standard, Catalogue d’exposition du Centre Pompidou, sous la direction de Frédéric Migayrou, Editions du Centre Pompidou, 2003
- Branzi, Andrea, No-stop City, 1967, édition Hyx, 2006
- Branzi, Andrea, Nouvelles de la métropole froide : design et seconde modernité, Paris, Editions du Centre Pompidou, 1992
- Picon, Antoine, Culture numérique et architecture - Une Introduction, Birkhausen, 2010
- Sennett Richard, « La ville ouverte » dans L’esprit des villes, sous la direction de Thierry Paquot, ed. Infolio, 2014
- Violeau, Jean-Louis, L’utopie et la ville après la crise, épisodiquement, Sens&Tonka, 2013

4 session : Living cities : la ville entre informatique et technologies du vivant

- Picon Antoine, Smart Cities : Théorie et critique d'un idéal auto-réalisateur, Editions B2, 2013
- Graham Stephen, La militarisation de l’espace urbain : la ville sous contrôle, La découverte, 2012
- Banham, Reyner, L’architecture de l’environnement bien tempéré, Restitutions, 2011
- Rahm Philippe, Architecture météorologique, Archibooks, Paris, 2009
- Interactive Cities, N°6 dans Anomalie digital arts, Dir. Edition : Valérie Châtelet
- Andrasek, Alisa, Biothing, collection Hyx, 2009